Un Tigre affamé rodait à la
lisière d'une savane. Le Félin féroce cherchait une proie à la mesure de son
appétit. "Quelque grand Herbivore", se dit-il, "ferait bien mon
affaire. D'ailleurs la mode est au végétarisme, et manger
un Herbivore n'est-ce pas déjà devenir un peu végétarien ?".
Soudain il
aperçoit, broutant paisiblement l'herbe tendre de la savane, une Souris
géante.
"Hé", se dit l'Animal rayé, "si un simple Matou se régale avec
une Souris ordinaire, celle-là est digne de moi, le Prince de la
Jungle. Par mes moustaches, le carnage est l'affaire d'un instant".
Or c'était un Kangourou dont notre Tigre avait eu la vision pour
la première fois.
Le Kangourou avait bien vu le Tigre, sans s'en émouvoir outre
mesure, et continuait à brouter tout en le surveillant du coin de l'œil.
"S'il me cherche il me trouvera", se dit l'Animal aux longues
oreilles. "Il ne sait pas à qui il a affaire. Au pugilat comme au
pancrace je ne crains personne, et je maîtrise tous les Arts Martiaux.
Les combattants Ninja me respectent et je pourrais même en apprendre aux
Chevaliers Jedi. De plus si les règles du Noble Art ne suffisent pas, un grand
coup de queue derrière les oreilles lui donnera l'occasion de réfléchir."
Le Kangourou réfléchit, lui aussi. "Cependant, après réflexion,
je pourrais y laisser quelques plumes. Alors le bon choix est plutôt de
mettre de la distance entre nous. Dans ce terrain dégagé je prends mes
jambes à mon cou et c'est dans la poche" (c'était une femelle).
Là-dessus le Tigre s'élance vers sa proie en rugissant à pleins poumons.
Le Kangourou part aussitôt comme une flèche, en bondissant sur ses
puissantes pattes de derrière montées sur des ressorts.
Le Tigre file ventre à terre tel un Guépard, mais avec
l'endurance d'un Dromadaire. Et toujours le Kangourou bondit devant. Le
Tigre accélère encore, en puisant dans toutes ses réserves. Le
Kangourou lui montre toujours le bas de son dos rebondissant.
Le Tigre, épuisé ne peut qu'abandonner la poursuite. "Je suis à
bloc", se dit-il. "Je ne peux pas aller plus vite. Et cette Souris me
largue déjà alors qu'elle ne s'est même pas encore servi de ses pattes
de devant !".