Lecture audio du
chapitre (encore expérimental et pas mis à jour)
Chapitre 7 : Voyages personnels
Il y a de grands voyageurs, j'en ai rencontré quelques uns. Moi
aussi j'ai eu le bonheur de faire quelques beaux voyages, avec
Françoise ou tout seul. Je n'ai pas l'intention d'étaler ici tous ces
voyages, et je vais donc en faire une petite sélection. Bien sûr je
n'ai vu qu'une toute petite partie des pays dans lesquels je suis
entré. D'autres voyageurs choisiront de visiter d'autres sites et en
ramèneront des souvenirs très différents.
J'ai évoqué notre voyage à trois en Nouvelle-Zélande en 1990, dont
notre fils Pierre, alors âgé de dix ans, a gardé quelques souvenirs. Il
y a eu aussi le séjour au Brésil en 1993 quand nous avons accueilli
Alex dans notre famille. Ensuite pendant quelques années nous sommes
restés en France ou dans les pays européens voisins. C'est seulement en
2001 que nous avons pris quelques vacances hors d'Europe, Françoise et
moi, en visitant quelques îles du Cap-Vert. Comme beaucoup de
Cap-Verdiens avaient travaillé dans un pays d'Europe nous avons
baragouiné en plusieurs langues, en complément du peu que permettaient
nos notions de Portugais. Pour l'anecdote, un de nos objectifs
d'appareil photo n'a pas survécu à la poussière volcanique du volcan de
Fogo, le mécanisme est resté irrémédiablement grippé. Un peu plus tard
nous sommes passés au numérique, encore balbutiant en 2002, mais qui
permet de bien dater les photos et de négliger le coût de la prise de
vue. Au début du numérique nous avions encore tendance à
« économiser la pellicule », comme on le faisait avec
l'argentique. La force de l'habitude.
Les années suivantes ont apporté beaucoup de voyages professionnels,
dont j'ai parlé dans un chapitre précédent, et aussi quelques voyages
de loisirs, seul ou avec Françoise. Ainsi en 2002 nous sommes allés
tous les deux en Nouvelle-Zélande, douze ans après notre première
visite à trois. Comme il y avait une escale de huit heures à Séoul nous
avons fait un petit tour rapide dans la capitale coréenne, ce qui nous
a donné une toute petite impression de ce pays, juste avant la Coupe du
Monde de Football de 2002. Ensuite ce fut l'arrivée en
Nouvelle-Zélande. Pays toujours aussi beau et accueillant, mais il
commençait à y avoir beaucoup de touristes. Là où en 1990 il n'y avait
presque personne nous avons vu des dizaines de cars de visiteurs,
surtout des Coréens. Bon, ils sont plutôt respectueux, même en voyage
organisé. Les marchands de souvenirs spécialisés pour cette clientèle
vendent d'ailleurs aussi des kangourous en peluche et des opales
d'Australie. En Nouvelle-Zélande j'ai acheté la paire de sandales qui
m'a accompagné ensuite dans une cinquantaine de pays, avec de nombreux
ressemelages et d'innombrables réparations. Cette fois nous sommes
aussi allés sur l'Île Stewart, la troisième par la taille, séparée de
l'Île du Sud par le détroit de Foveaux. Le vent peut souffler fort dans
les 40èmes, et le ferry catamaran qui nous emmenait était bien secoué.
Pour le retour la mer était même trop forte et le ferry est resté
immobilisé dans le port. Alors nous sommes revenus vers Dunedin dans un
petit avion, avec un pilote qui défiait le vent, même pas peur.
C'est avec la photo numérique que nous avons commencé à préparer des
pages web comme souvenir de nos voyages, d'abord avec des petites
photos du temps des modems 56 K, et plus tard des photos plus
grandes avec l'arrivée de l'ADSL. Les textes de ces pages,
originalement très succincts, ont plus tard été développés un peu plus,
selon mon inspiration.
J'avais bien aimé mon court passage en République Tchèque, et en mai
2002 nous avons visité Pilsen et Prague avec Françoise, en prenant le
chemin des écoliers depuis Grenoble, partant le 05 mai après le vote au
deuxième tour de l'élection présidentielle, selon le slogan
« Votez escroc, pas facho ». Nous avons passé une nuit dans
le Haut-Adige, la région germanophone de l'Italie, et une nuit à
Pilsen. Il faut dire que Pilsen a été libérée deux fois en 1945, la
première fois le 06 mai par les troupes US. Mais les Alliés étaient
allés trop loin, la région devant être laissée selon des accords aux
troupes soviétiques. Ainsi Pilsen a été libérée un peu plus tard,
officiellement donc, par les Soviétiques. Le 06 mai au soir c'était la
fête et la célèbre bière locale coulait à flots. Prague est bien
connue, pas la peine d'en parler.
Comme je l'ai dit plus haut j'avais environ dix semaines de congés
chaque année et des primes de fidélité avec plusieurs compagnies
aériennes. Au début de l'année 2003 avec Françoise nous avons fait un
petit voyage en Belgique et aux Pays-Bas, profitant de primes sur
l'avion et la location de voiture.
Mon premier grand voyage en solitaire a été vers la Mélanésie :
trois semaines au Vanuatu et autant aux Îles Salomon en
septembre-octobre 2003. J'ai voyagé entre les îles de ces archipels, en
bateau ou en avion, en dormant souvent chez les habitants, parfois dans
des petits hôtels. J'ai aussi beaucoup marché, essentiellement par
plaisir. Au Vanuatu après quelques heures de marche sur l'Île de Tanna
j'ai vu le cratère du volcan Yasur et ses explosions presque continues,
et j'étais le seul visiteur. J'ai bu le kava dans les Nakamals avec les
hommes des villages, sur Efate et sur Espiritu Santo. Aux Îles Salomon
j'ai pu plonger dans les merveilles coralliennes, avec masque, tuba et
palmes. Tout particulièrement j'ai pu admirer le corail à Kennedy
Island, là où JFK est devenu un héros de la Guerre du Pacifique. Je me
demande quels ont été les sentiments des habitants de ces archipels à
la vie simple quand, pendant la Guerre du Pacifique, au début des
années 40, ils ont vu arriver les Japonais puis les Alliés avec un
matériel inouï jusqu'alors. À la fin de la guerre les locaux ont réussi
à récupérer une partie des surplus que les états-uniens avaient
volontairement coulé. J'ai passé quelques jours sur l'Île de Savo, où
j'ai serré la pince du premier ministre de l'époque, Sir Allan
Kemakeza. Le détroit entre les îles de Guadalcanal et de Savo est
appelé Ironbottom Sound, en raison du grand nombre de navires de guerre
et d'avions coulés en 1942-1943. J'ai rencontré quelques visiteurs
japonais, qui venaient comme en pèlerinage dans cette région où leur
grand-père avait disparu. Sur Rennel j'ai passé quelques jours avec un
Anglais amateur d'oiseaux, Norman, qui ne bronzait pas autour des yeux,
toujours collés à ses jumelles. Enfin, au retour j'ai passé deux jours
autour de Nouméa avant le retour à Grenoble. Je dois reconnaître que je
n'ai appris que quelques mots de Bichelamar et encore moins de
Pidgin : « Me save tok tok smol smol bislama »,
« Mi no save gud hao fo spikim Pijin ».
Puis au début de l'automne 2004, un peu avant mon année d'expatriation
au Qatar, nous avons fait un voyage au Canada, Françoise et moi. Nous
avons pris une voiture de location à Montréal et nous l'avons rendue à
Vancouver. Entre-temps nous avons fait un tour vers les Provinces
Maritimes de la côte atlantique, où la restauration rapide propose du
homard. Nous avons aussi vu les Chutes du Niagara. Le soir à l'hôtel
nous faisions une toute petite page Internet décrivant notre journée,
et nous la mettions sur notre site à travers la ligne téléphonique et
le modem à 56 K du PC portable, celui du travail que j'avais
emmené pour ça. Il n'y avait pas encore de WiFi dans les hôtels. Les
Prairies et les Montagnes Rocheuses ont été une découverte intéressante
pour nous deux. C'était ma troisième visite à cette belle ville de
Vancouver.
Quelque temps après mon retour du Qatar et ma petite escapade à Oman je
suis parti en solitaire pour huit semaines en direction de la
Papouasie-Nouvelle-Guinée, au début de l'année 2006. Le pays n'est pas
de tout confort, mais j'ai beaucoup aimé ce voyage. Dans les montagnes
centrales, à Goroka, j'ai eu la chance d'assister à une grande fête
traditionnelle, ce qu'on appelle un Sing-Sing. Je suis allé jusqu'au
sommet du Mont Wilhelm, à 4509 mètres, la première fois que je
montais au-delà de 4000 mètres d'altitude. J'ai aussi passé
quelques jours dans un village au bord du fleuve Sepik, là où
l'anthropologue Margaret Mead a débordé d'imagination ou s'est
peut-être fait raconter des bobards. Sur l'île de Nouvelle-Bretagne je
suis resté quelques jours près de la Péninsule de Gazelle, et j'ai
grimpé avec quelque difficulté jusqu'au bord du cratère de Tavurvur, le
volcan qui avait enseveli la ville de Rabaul sous les cendres en 1994.
Dans la ville de Wewak j'ai serré la pince du premier ministre de
l'époque, Sir Michael Somare.
Pour acheter un ticket de transport en bateau, il fallait se rendre
dans une pièce où on ne voyait personne. J'ai fini par me rendre compte
qu'il y avait quelques trous et une fente dans une des cloisons :
c'est par là qu'on pouvait parler avec l'employé et échanger de
l'argent contre un ticket de transport. Un système avec une vitre
aurait peut-être été trop cher.
J'aurais aimé apprendre un peu plus le langage véhiculaire à statut
officiel, le Tok Pisin, mais mon vocabulaire n'a pas dépassé quelques
mots.
J'avais beaucoup travaillé en 2008, et donc accumulé beaucoup de
congés, ce qui fait que l'année 2009 a été riche en voyages. En début
d'année je suis allé visiter un tout petit peu l'Amérique du Sud,
pendant neuf semaines. Nous étions allés seulement au Brésil quand nous
avions accueilli Alex. En Amérique du Sud j'ai commencé par voyager au
Chili, ce pays qui s'étend sur trente neuf degrés de latitude ou
4300 kilomètres du nord au sud. J'ai essentiellement voyagé en
bus, un peu en train, et fait localement de grandes promenades à pied.
Sur l'Île de Chiloé j'ai visité plusieurs des églises construites par
les Jésuites, entièrement en bois et presque sans clous. On dit qu'ils
craignaient qu'on brûle ces constructions afin de récupérer les clous.
Seize de ces églises sont classées au Patrimoine Mondial de l'Unesco.
Sur Chiloé j'ai eu la chance de voir un peu la faune marine, en
particulier les otaries à crinière, les manchots de Humboldt et les
manchots de Magellan. Avec ces deux espèces je crois que j'arrivais à
un total de dix espèces de manchots observés, après ceux des régions
antarctiques, d'Australie et de Nouvelle-Zélande. Sur Chiloé j'ai aussi
vu des loutres qui s'aventuraient en mer. J'ai ensuite continué vers le
sud du pays, le long de la Carretera Austral, toujours en bus, jusqu'à
son point extrême à Villa O'Higgins. Il y a des courageux qui font ce
voyage à vélo. Je me suis arrêté plusieurs fois en route, l'occasion de
passer une journée à marcher dans les paysages extraordinaires de la
Patagonie, qui me rappelaient un peu la Nouvelle-Zélande. D'ailleurs
beaucoup de plantes sont apparentées dans ces deux régions du monde.
Pendant quelques jours j'ai voyagé en compagnie de Hemmo, un grand
bourlingueur polyglotte originaire des Pays-Bas. Au-delà de Villa
O'Higgins on prend un petit bateau qui traverse le Lac O'Higgins,
ensuite après quelques heures de marche sur un bon chemin on arrive en
Argentine. La frontière est marquée par un poteau sur le chemin. Plus
loin on prend un autre petit bateau pour traverser la Laguna del
Desierto, on fait tamponner son passeport au poste de police et on
rejoint une route. Avec un peu de chance il y a un bus qui peut nous
emmener à El Chaltén, une petite ville proche de la montagne du même
nom, aussi appelée le Fitz Roy. L'Argentine et le Chili ont de
multiples petits désaccords de frontière, et le Chili n'accepte pas le
tracé pourtant reconnu internationalement autour de cette montagne. Je
me suis approché du Fitz Roy en compagnie de Hemmo. Cette montagne
de granite est réputée très difficile pour les alpinistes. Quelques
kilomètres au sud-ouest il y a le Cerro Torre, extrêmement difficile.
Le Fitz Roy a été gravi pour la première fois en 1952 par des
alpinistes français. Le scientifique de l'expédition était Louis
Lliboutry, qui fut à Grenoble mon professeur de glaciologie et le
président de mon jury de thèse en 1981.
Après El Chaltén j'ai pris un bus pour El Calafate et, comme tant de
touristes, je suis allé voir le glacier Perito Moreno qui avance sur le
Lago Argentino. En continuant vers le sud on passe de nouveau au Chili,
à Puerto Natales puis à Punta Arenas où je suis resté quelques jours.
Le bus prend un ferry pour arriver en Terre de Feu et ensuite on passe
de nouveau en Argentine. Comme beaucoup de touristes je suis allé
jusqu'à Ushuaia. Pour la plupart c'est le point le plus au sud du
voyage. J'avais eu la chance d'aller par deux fois beaucoup plus au
sud, en Antarctique. Cependant il y a encore une petite agglomération
plus au sud que Ushuaia, sur l'île chilienne appelée Isla Navarino. On
peut se rendre sur cette île avec un petit bateau depuis Ushuaia, et
ensuite un bus nous mène à Puerto Williams, petite ville de quelques
deux mille habitants et chef-lieu de la commune de Cabo de Hornos. Il y
a même quelques villages encore plus au sud sur cette île. J'ai fait
une grande promenade dans un paysage de tourbières et je suis revenu à
ma chambre avec les pieds bien trempés et bien froids.
En repartant vers le nord je me suis arrêté à Puerto Natales avec
l'intention d'aller visiter le Parc National de Torres del Paine. J'ai
même loué une petite tente pour bivouaquer. Hélas le temps est resté à
la pluie et au brouillard et je n'ai pas vu grand chose des tours de
granite qui font la célébrité du Parc. Refroidi par ces intempéries
j'ai repris le bus et le train pour aller rapidement vers des latitudes
plus clémentes. En quelques jours je suis arrivé à San Pedro de
Atacama, où la pluie est rare. À San Pedro j'ai loué un vélo pour une
journée de promenade en solitaire dans des paysages rocheux. J'ai aussi
joint une excursion pour aller voir les lacs et les salars d'altitude,
vers 4140 mètres. On y observe des vigognes et des renards de
Magellan. Après San Pedro je suis allé à Calama, la ville du cuivre.
J'ai même visité la très grande mine de Chuquicamata, à ciel ouvert et
profonde de 900 mètres.
Ensuite j'ai pris le bus pour Uyuni en Bolivie. Si pour les européens
l'entrée est facile, avec seulement une petite somme pour le visa,
c'est beaucoup plus compliqué pour les états-uniens, une mesure de
réciprocité appliquée par la Bolivie. Le Salar d'Uyuni est un
incontournable. Près de la ville il y a aussi un cimetière de trains
qui incite à prendre quelques photos mélancoliques. On y voit des
vigognes qui se plaisent dans ce désert d'altitude.
Je me suis ensuite rendu à Potosí, à 4000 mètres, dont la vieille
ville est inscrite au Patrimoine Mondial de l'Unesco, comme d'autres
sites de Bolivie. Potosí fut une ville coloniale espagnole d'où
provenait l'argent issu des mines du Cerro Rico qui domine la ville. Il
y a toujours des mines en exploitation, mais seulement de manière
plutôt artisanale. J'ai gravi assez facilement le Cerro Rico, mais j'ai
été désappointé plus tard quand j'ai appris que son sommet était
seulement à 4782 mètres d'altitude, soit 28 mètres de moins
que le Mont‑Blanc. On dit que la tisane de coca évite le mal des
montagnes.
Je passe rapidement sur les belles villes de Sucre et Santa Cruz, qui
sont de beaux exemples de l'architecture coloniale espagnole. Ensuite
je me suis rendu à Samaipata, en bordure du Parc National Amboró. J'y
ai visité El Fuerte, un site archéologique dont l'origine et la
fonction restent mystérieuses. Surtout j'ai accompagné un petit groupe
avec un guide pour visiter le Parc. On y voit de nombreux oiseaux, du
colibri au condor, des reptiles et des amphibiens, de nombreux
insectes… Mais du jaguar nous n'avons vu que les traces. Les plantes de
la famille des broméliacées sont omniprésentes.
J'ai ensuite passé deux jours à La Paz, la capitale principale du pays.
C'est une grande ville et sa banlieue El Alto, à 4150 mètres
d'altitude, est maintenant encore plus peuplée. Avec un million
d'habitants elle détient le titre de grande ville la plus haute du
monde.
En Bolivie, et plus tard ailleurs en Amérique Latine, j'aimais bien
suivre les Chemins de Croix, dans les églises, les cimetières et les
collines de calvaire. Ces représentations des textes sacrés, souvent
naïves, laissent assez de place à l'imagination des artistes, et les
peintres et sculpteurs de ces régions en sont bien pourvus. D'ailleurs
les cimetières aussi sont souvent intéressants à visiter. En Bolivie il
y avait des vieilles femmes qui proposaient de réciter des prières pour
nos défunts, en échange d'un peu de monnaie. Bien sûr je leur ai donné
quelques bolivianos.
À partir de La Paz je suis allé visiter le site archéologique pré-inca
de Tiwanaku, avant de rejoindre le Lac Titicaca. Il est inutile de
parler du Lac, sujet de tant de reportages. J'ai passé une nuit dans la
petite ville de Copacabana et une nuit sur la Isla del Sol, haut lieu
de la culture inca.
En quittant le côté bolivien du Lac Titicaca j'ai pris un bus local et
passé la frontière avec le Pérou pour me rendre jusqu'à la ville de
Puno, elle aussi au bord du Lac. À Puno j'ai trouvé le temps de me
faire couper les cheveux et de faire un bon repas avant de prendre un
bus longue distance de nuit. Il faisait froid dans le bus à
4000 mètres, heureusement ma voisine m'a prêté une de ses
couvertures. À Tacna j'ai de nouveau fait un bon repas péruvien et
visité le musée ferroviaire avant de prendre le petit autorail qui
rejoint Arica au Chili. Mon séjour au Pérou n'a pas duré beaucoup plus
que vingt-quatre heures. On me dit que j'aurais du visiter Machu Picchu
pendant que j'étais au Pérou. J'ai toujours beaucoup de réticence pour
visiter les lieux extrêmement touristiques.
J'ai donc séjourné un jour ou deux à Arica, ville côtière du nord du
Chili où il ne pleut presque jamais. Le désert commence immédiatement
sur les pentes sableuses à l'arrière de la ville. Architecture
intéressante, comme à Tacna, avec des bâtiments construits par les
entreprises de Gustave Eiffel au 19ème siècle. Ensuite je suis resté un
peu à Iquique, trois cents kilomètres plus au sud par la route et tout
aussi aride et élégante. On y voit des otaries et beaucoup d'oiseaux de
mer. Les eaux du Pacifique y sont froides et très riches en raison du
Courant de Humboldt. On peut se baigner.
Ces vacances devaient se terminer bientôt, alors j'ai pris un bus
longue distance pour rejoindre Valparaíso, un voyage de mille huit
cents kilomètres et un peu plus de vingt-quatre heures. Je vais peu
parler de Valparaíso, tellement la ville est connue, par les chansons
de marins comme par sa descente sportive à vélo. L'architecture
colorée, les funiculaires appelés « ascensores » et le centre
historique méritent la visite, sans même parler de la vie culturelle de
Valparaíso et de sa voisine Viña del Mar. Après un dernier jour à
Santiago je suis revenu chez nous. Il me restait encore beaucoup de
congés à solder en 2009.
Mon père avait fait son service militaire obligatoire en Algérie, en
1951-1952, quelques années avant la Guerre d'Indépendance. Pour un
jeune français de l'époque c'était sans doute une expérience marquante.
Il en avait gardé un souvenir plutôt bon et plusieurs fois il avait dit
qu'il voudrait revoir l'Algérie, tout particulièrement la région de
Tlemcen où il avait séjourné pendant seize mois. Alors en 2009 j'ai
fait appel à une agence de voyages afin de nous organiser un séjour
avec chauffeur, pour mes parents et moi.
Nous sommes restés une dizaine de jours en juin, et notre chauffeur
Boucif a toujours trouvé une excursion intéressante pour nous, entre
les petites villes, la mer et la montagne. Mon père a revu des sites
qu'il avait connus presque soixante ans plus tôt, comme Mansourah ou
Lalla Setti, ou encore les cascades de El Ourit. Surtout il a revu
l'ancienne caserne Bedeau dont il avait des photos. C'est maintenant
devenu un internat pour garçons et l'intendant nous a gentiment
accueillis pour nous faire visiter le site. Ce voyage est un bon
souvenir pour moi, avec surtout la satisfaction d'avoir emmené mes
parents.
Toujours en 2009 j'ai fait mon premier voyage en Afrique subsaharienne.
J'étais allé au Maroc avec Françoise il y a longtemps, puis nous étions
allés au Cap-Vert, et je venais de faire ce voyage en Algérie. Mais ces
pays ne sont que très peu liés culturellement et économiquement au
reste de l'Afrique, ils ont beaucoup plus de contacts avec les pays
d'Europe. Ce voyage de 2009 en Afrique Australe a donc été mon premier
contact avec la « Vraie Afrique ». Arrivé à Johannesburg je
suis allé directement au Botswana, et ensuite j'ai visité les Chutes
Victoria sur le Zambèze, franchi le pont entre le Zimbabwe et la
Zambie, puis rejoint la Namibie. En Namibie j'ai accompagné pendant
quelques jours deux hispanophones qui avaient loué une voiture et nous
avons visité le pays, en particulier le Parc d'Etosha et la Côte des
Squelettes. Ensuite j'ai rejoint l'Afrique du Sud et visité encore le
Lesotho puis le Swaziland, qui ne s'appelait pas encore Eswatini, où
les femmes sont bien déçues (mais sont-elles folles de la messe ?
On chercherait en vain la Place des Fêtes). J’avais emporté une petite
tente, mais elle a été détruite par un jeune chien et remplacée en
Namibie. J'ai campé dans les sept pays cités pendant ce voyage.
Par la suite il y a eu plusieurs voyages dans le sud de l'Afrique.
D'abord, deux fois, Françoise et moi avons loué une voiture et visité
le Botswana et la Namibie, puis avec Françoise et un couple d'amis nous
avons de nouveau visité deux fois ces mêmes pays qui se prêtent bien à
ce type de tourisme autonome. En général je prolongeais le séjour et le
parcours tout seul, après avoir rendu la voiture et accompagné les
autres à l'aéroport. Je voyageais donc en transport local, parfois en
autobus de longue distance, à l'occasion en auto-stop. Un jour j'ai
fait presque mille kilomètres dans la journée, entre Uppington en
Afrique du Sud et Windhoek en Namibie, principalement dans la cabine
d'un camion avec deux grosses remorques. Dans ces pays le chauffeur
s'attend à ce qu'on lui offre le prix du transport en bus, surtout
quand on est un Blanc supposé assez riche.
D'autres fois j'ai visité le sud et l'est de l'Afrique, seul, au départ
de Johannesburg. Outre les sept pays déjà cités j'ai traversé et un peu
visité le Mozambique, le Malawi, la Tanzanie, le Burundi, le Rwanda,
l'Ouganda et le Kenya. Je ne vais pas détailler ces voyages (même si
les populations du Cap mettent notre échec en valeur). Juste pour
l'anecdote, en Namibie et surtout en Afrique du Sud dans la région du
Cap j'ai vu de près une onzième espèce de manchot, le manchot africain,
là où le Courant de Benguela apporte des eaux froides.
En Afrique j'ai aussi fait trois voyages en Éthiopie. Ce pays a une
histoire particulière parmi les états africains, avec une écriture et
un calendrier qui lui sont propres, peut-être seulement partagés avec
son ancienne province devenue indépendante, l'Érythrée. Le pays a été
très peu colonisé, quelques années seulement par les Italiens du temps
de Mussolini. Il y avait quelques visiteurs italiens, en général un peu
honteux du passé colonial de leur pays. Certains venaient visiter la
région où un de leurs aïeux avait été envoyé, pour certains sans jamais
revenir. C'étaient des temps difficiles, comme pour l'Europe. On dit
aussi que quelques Italiens avaient choisi de rester en Éthiopie, pour
la beauté des femmes abyssiniennes.
C'est certainement lors de mon premier voyage, en 2014, que j'ai le
plus visité le pays, en allant jusqu'à Aksoum et Gondar dans le nord du
pays et jusqu'à la vallée de l'Omo au sud, en passant quelques jours
dans les Montagnes du Simien, autour de 4000 mètres. Dans la
région du Tigré j'avais aussi visité une des églises creusées dans la
roche, après l'escalade d'une falaise, et j'avais aussi parcouru le
site de Lalibela en compagnie d'un voyageur venu de Turquie. Dans ces
églises il y a de nombreuses peintures murales, souvent anciennes, qui
illustrent les textes sacrés à la manière d'une bande dessinée. Comme
on s'adressait à des ouailles souvent illettrées, les gentils sont
toujours représentés de face, avec les deux yeux bien visibles, alors
que les méchants sont représentés de profil, avec un seul œil visible.
C'est bien pratique.
En 2017 et en 2019 j'avais aussi pris le train sur la vieille ligne
construite par les Français entre Addis-Abeba et Djibouti. La ligne ne
fonctionnait plus qu'entre Dire Dawa et la frontière avec Djibouti. En
faisant quelques recherches sur ce train j'ai été en contact avec un
Français qui a retracé l'histoire de la ligne. Il la connaissait bien
et disposait d'archives, puisque son grand-père avait construit la
ligne et son père l'avait exploitée. À Dire Dawa j'ai visité les
ateliers d'entretien des wagons et des locomotives. Le personnel très
dévoué fait des prouesses pour faire durer les équipements avec des
moyens limités. Héritage du Chemin de Fer Franco-Éthiopien, devenu en
1981 le Chemin de Fer Djibouto-Éthiopien, le personnel parle français.
Je ne sais pas si ce train va encore circuler.
En Éthiopie j'ai aussi plusieurs fois exploré Harar, la ville aux cent
mosquées où Arthur Rimbaud a vécu, et visité Gambela près de la
frontière avec le Soudan du Sud où beaucoup de personnes dépassent les
deux mètres. Je pourrais raconter beaucoup plus d'anecdotes sur ces
trois voyages en Éthiopie, mais je vais en rester là pour ce pays.
Depuis l'Éthiopie je me suis rendu par deux fois au Somaliland. Ce pays
a très peu de reconnaissance officielle, bien que sa sécession de la
Somalie soit déjà ancienne. Géographiquement, le Somaliland correspond
à peu près au territoire de l'ancienne Somalie Britannique. Je suis
resté quelques jours dans la capitale, Hargeisa, et je suis allé dans
la ville côtière de Berbera, en face du Yémen. J'ai aussi passé deux
jours à Borama, un peu en altitude et proche de la frontière avec
l'Éthiopie. Pour se rendre au Somaliland il faut un visa, qu'on obtient
auprès de sa représentation diplomatique à Addis-Abeba pour quelques
dizaines d'Euros. Sur mes deux visas ainsi obtenus l'employé du
Somaliland a scrupuleusement écrit tous mes prénoms, mais pas mon nom
de famille.
Il y a encore un voyage que je voudrais évoquer ici, c'est celui que
j'ai fait en Amérique Centrale, huit semaines de voyage au début de
l'année 2017. Arrivé à Ciudad de Panamá, j'ai rencontré des voyageurs
italiens avec lesquels j'ai sympathisé et que j'ai revus plusieurs fois
pendant ce séjour. J'ai donc visité le Panamá, sa côte atlantique et sa
côte pacifique, ainsi que la cordillère centrale, et ensuite je suis
allé au Costa Rica. Ce pays fait certainement des efforts louables pour
protéger ses zones naturelles, et il a du succès comme destination de
voyage, essentiellement pour des groupes qui achètent une prestation
globale. Mais le touriste est considéré comme un pigeon à plumer, et le
greenwashing est bien présent. Pour un voyageur indépendant comme moi
ce n'est pas le pays rêvé, il faut payer même pour se promener sur les
chemins. Mais c'est sans doute pour la bonne cause.
Je suis donc passé rapidement au Nicaragua, pays certainement moins
vertueux mais plus en adéquation avec ma façon de voyager. J'ai
escaladé des volcans, visité la côte des deux océans et profité du
charme des vieilles cités coloniales. Après huit semaines j'ai
rapidement retraversé le Costa Rica pour retourner au Panamá et rentrer
chez nous. Mes amis italiens sont restés en contact avec moi et en 2019
nous avons de nouveau voyagé quelques jours ensemble, en Afrique du Sud
et au Eswatini.
J'ai évoqué ici l'essentiel de mes voyages personnels, la plupart en
solitaire, d'autres en famille ou avec des amis. Souvent j'ai préparé
une page web pour mieux m'en souvenir. J'ai toujours eu beaucoup de
plaisir pendant ces voyages et j'en ai encore à me les remémorer. Bien
sûr d'autres personnes ont préféré ou préféreraient d'autres voyages
qui correspondent davantage à leurs envies. Et tant mieux si nous
n'avons pas tous les même préférences.