Lecture audio du
chapitre (encore expérimental et pas mis à jour)
Chapitre 7 : Voyages personnels
Il y a de grands voyageurs, j'en ai rencontré quelques uns. Moi
aussi j'ai eu le bonheur de faire quelques beaux voyages, avec
Françoise ou tout seul. Je n'ai pas l'intention d'étaler ici tous ces
itinéraires et je vais donc en faire une petite sélection. Bien sûr je
n'ai vu qu'une infime partie des pays dans lesquels je suis entré.
D'autres voyageurs choisiront de visiter d'autres sites et en
ramèneront des souvenirs très différents. Si mes voyages professionnels
m'ont amené vers des pays plutôt développés, ou du moins partiellement
développés, comme l'Inde ou la Chine, à titre personnel j'ai aussi
visité d'autres régions.
J'ai évoqué notre voyage à trois en Nouvelle-Zélande en 1990, dont
notre fils Pierre, alors âgé de dix ans, a gardé quelques souvenirs. Il
y a eu aussi le séjour au Brésil en 1993 quand nous avons accueilli
Alex dans notre famille. Ensuite pendant quelques années nous sommes
restés en France ou dans les pays européens voisins. C'est seulement en
2001 que nous avons pris quelques vacances hors d'Europe, Françoise et
moi, en visitant quelques îles du Cap-Vert. Comme beaucoup de
Cap-Verdiens avaient travaillé dans un pays d'Europe nous avons
baragouiné en plusieurs langues, en complément du peu que permettaient
nos notions de Portugais. Remarquons qu'un de nos objectifs d'appareil
photo n'a pas survécu à la poussière volcanique du volcan de Fogo, le
mécanisme est resté irrémédiablement grippé. Un peu plus tard nous
sommes passés au numérique, encore balbutiant en 2002, mais qui permet
de bien dater les photos et de négliger le coût de la prise de vue. Au
début du numérique nous avions encore tendance à « économiser la
pellicule », comme on le faisait avec l'argentique. La force de
l'habitude.
Les années suivantes ont apporté beaucoup de voyages professionnels,
dont j'ai parlé dans un chapitre précédent, et aussi quelques voyages
de loisirs, seul ou avec Françoise. Ainsi en 2002 nous sommes allés
tous les deux en Nouvelle-Zélande, douze ans après notre première
visite à trois. Comme il y avait une escale de huit heures à Séoul nous
avons fait un petit tour rapide dans la capitale coréenne, ce qui nous
a donné une toute petite impression de ce pays, juste avant la Coupe du
Monde de Football de 2002. Puis ce fut l'arrivée en Nouvelle-Zélande.
Pays toujours aussi beau et accueillant, mais il commençait à y avoir
beaucoup de touristes. Là où en 1990 il n'y avait presque personne nous
avons vu des dizaines de cars de visiteurs, surtout des Coréens. Bon,
ils sont plutôt respectueux, même en voyage organisé. Les marchands de
souvenirs spécialisés pour cette clientèle vendent d'ailleurs aussi des
kangourous en peluche et des opales d'Australie. En Nouvelle-Zélande
j'ai acheté la paire de sandales qui m'a accompagné par la suite dans
une cinquantaine de pays, avec de nombreux ressemelages et
d'innombrables réparations. Cette fois nous sommes aussi allés sur
l'Île Stewart, la troisième par la taille, séparée de l'Île du Sud par
le détroit de Foveaux. Le vent peut souffler fort dans les 40èmes, et
le ferry catamaran qui nous emmenait était bien secoué. Pour le retour
la mer était même trop forte et le ferry est resté immobilisé dans le
port. Alors nous sommes revenus vers Dunedin dans un petit avion, avec
un pilote qui défiait le vent, même pas peur.
C'est avec la photo numérique que nous avons commencé à préparer des
pages web comme souvenir de nos voyages, d'abord avec des petites
photos du temps des modems 56 K, et plus tard des photos plus
grandes avec l'avènement de l'ADSL. Les textes de ces pages,
originalement très succincts, ont plus tard été développés un peu plus,
selon mon inspiration.
J'avais bien aimé mon court passage en République Tchèque, et en mai
2002 nous avons visité Pilsen et Prague avec Françoise, en prenant le
chemin des écoliers depuis Grenoble, partant le 05 mai après le vote au
deuxième tour de l'élection présidentielle, selon le slogan
« Votez escroc, pas facho ». Nous avons passé une nuit dans
le Haut-Adige, la région germanophone de l'Italie, et une nuit à
Pilsen. Il faut rappeler que Pilsen a été libérée deux fois en 1945, la
première fois le 06 mai par les troupes US. Mais les Alliés étaient
allés trop loin, la région devant être laissée selon des accords aux
troupes soviétiques. Ainsi Pilsen a été libérée un peu plus tard,
officiellement donc, par les Soviétiques. Le 06 mai au soir c'était la
fête et la célèbre bière locale coulait à flots. Prague est bien
connue, pas la peine d'en parler.
Comme je l'ai dit plus haut j'avais environ dix semaines de congés
chaque année et des primes de fidélité avec plusieurs compagnies
aériennes. Au début de l'année 2003 avec Françoise nous avons fait un
petit voyage en Belgique et aux Pays-Bas, profitant de primes sur
l'avion et la location de voiture.
Mon premier grand voyage en solitaire a été vers la Mélanésie :
trois semaines au Vanuatu et autant aux Îles Salomon en
septembre-octobre 2003. J'ai voyagé entre les îles de ces archipels, en
bateau ou en avion, en dormant souvent chez les habitants, parfois dans
des petits hôtels. J'ai aussi beaucoup marché, essentiellement par
plaisir. Au Vanuatu après quelques heures de marche sur l'Île de Tanna
j'ai vu le cratère du volcan Yasur et ses explosions presque continues,
et j'étais le seul visiteur. J'ai bu le kava dans les nakamals avec les
hommes des villages, sur Efate et sur Espiritu Santo. Aux Îles Salomon
j'ai pu plonger dans les merveilles coralliennes, avec masque, tuba et
palmes. Tout particulièrement j'ai pu admirer le corail à Kennedy
Island, là où JFK est devenu un héros de la Guerre du Pacifique. Je me
demande quelle a été la stupéfaction des habitants de ces archipels à
la vie simple quand, pendant la Guerre du Pacifique, au début des
années 40, ils ont vu débarquer ou atterrir les Japonais puis les
Alliés avec un matériel inouï jusqu'alors. À la fin de la guerre les
locaux ont réussi à récupérer une partie des surplus que les
états-uniens avaient volontairement coulé. J'ai passé quelques jours
sur l'Île de Savo, où j'ai serré la pince du premier ministre de
l'époque, Sir Allan Kemakeza. Le détroit entre les îles de Guadalcanal
et de Savo est appelé Ironbottom Sound, en raison du grand nombre de
navires de guerre et d'avions coulés en 1942-1943. J'ai rencontré
plusieurs visiteurs japonais, qui venaient comme en pèlerinage dans
cette région où leur grand-père avait disparu. Sur Rennel j'ai passé
quelques jours avec un Anglais amateur d'oiseaux, Norman, qui ne
bronzait pas autour des yeux, toujours collés à ses jumelles. Enfin, au
retour j'ai passé deux jours autour de Nouméa avant le retour à
Grenoble. Je dois hélas reconnaître que je n'ai appris que quelques
mots de Bichelamar et encore moins de Pidgin : « Me save tok tok smol smol bislama », « Mi no save gud hao fo spikim Pijin ».
Puis au début de l'automne 2004, un peu avant mon année d'expatriation
au Qatar, nous avons fait un long périple au Canada, Françoise et moi.
Nous avons pris une voiture de location à Montréal et nous l'avons
rendue à Vancouver. Entre-temps nous avons fait un tour vers les
Provinces Maritimes de la côte atlantique, où la restauration rapide
propose même du homard. Nous avons aussi vu les Chutes du Niagara. Le
soir à l'hôtel nous faisions une toute petite page Internet décrivant
notre journée, et nous la mettions sur notre site à travers la ligne
téléphonique et le modem à 56 K du PC portable, celui du travail
que j'avais emmené pour ça. Il n'y avait pas encore de WiFi dans les
hôtels. Les Prairies et les Montagnes Rocheuses ont été une découverte
intéressante pour nous deux. C'était ma troisième visite à cette belle
ville de Vancouver.
Quelque temps après mon retour du Qatar et ma petite escapade à Oman je
suis parti en solitaire pour huit semaines en direction de la
Papouasie-Nouvelle-Guinée, au début de l'année 2006. Le pays n'est pas
de tout confort, mais j'ai beaucoup aimé ce voyage. Dans les montagnes
centrales, à Goroka, j'ai eu la chance d'assister à une grande fête
traditionnelle, ce qu'on appelle un Sing-Sing. Je suis allé jusqu'au
sommet du Mont Wilhelm, à 4509 mètres, la première fois que je
montais au-delà de 4000 mètres d'altitude. J'ai aussi passé
quelques jours dans un village au bord du fleuve Sepik, là où
l'anthropologue Margaret Mead a débordé d'imagination ou s'est
peut-être fait raconter des bobards. Sur l'île de Nouvelle-Bretagne je
suis resté quelques jours près de la Péninsule de Gazelle, et j'ai
grimpé avec quelque difficulté jusqu'au bord du cratère de Tavurvur, le
volcan qui avait enseveli la ville de Rabaul sous les cendres en 1994.
Dans la ville de Wewak j'ai serré la pince du premier ministre de
l'époque, Sir Michael Somare.
Pour acheter un ticket de transport en bateau, il fallait se rendre
dans une pièce où on ne voyait personne. J'ai fini par me rendre compte
qu'il y avait quelques trous et une fente dans une des cloisons :
c'est par là qu'on pouvait parler avec l'employé et échanger de
l'argent contre un ticket de transport. Un système avec une vitre était
peut-être été trop complexe. J'aurais aimé apprendre un peu plus le
langage véhiculaire à statut officiel, le Tok Pisin, mais mon
vocabulaire n'a pas dépassé quelques mots.
J'avais beaucoup travaillé en 2008, et donc accumulé beaucoup de
congés, ce qui fait que l'année 2009 a été riche en voyages. En début
d'année je suis allé visiter un tout petit peu l'Amérique du Sud,
pendant neuf semaines. Nous étions allés seulement au Brésil quand nous
avions accueilli Alex. En Amérique du Sud j'ai commencé par voyager au
Chili, ce pays qui s'étend sur trente neuf degrés de latitude ou
4300 kilomètres du nord au sud. J'ai essentiellement voyagé en
bus, un peu en train, et fait localement de grandes promenades à pied.
Sur l'Île de Chiloé j'ai visité plusieurs des églises construites par
les Jésuites, entièrement en bois et presque sans clous. On dit qu'ils
craignaient qu'on brûle ces constructions afin de récupérer les clous.
Seize de ces églises sont classées au Patrimoine Mondial de l'Unesco.
Sur Chiloé j'ai eu la chance de voir un peu la faune marine, en
particulier les otaries à crinière, les manchots de Humboldt et les
manchots de Magellan. Avec ces deux espèces je crois que j'atteignais
un total de dix espèces de manchots observés, après ceux des régions
antarctiques, d'Australie et de Nouvelle-Zélande. Sur Chiloé j'ai aussi
vu des loutres qui s'aventuraient en mer. J'ai ensuite continué vers le
sud du pays, le long de la Carretera Austral, toujours en bus, jusqu'à
son point extrême à Villa O'Higgins. Il y a des courageux qui font ce
trajet à vélo. Je me suis arrêté plusieurs fois en route, l'occasion de
passer une journée à marcher dans les paysages extraordinaires de la
Patagonie, qui me rappelaient un peu la Nouvelle-Zélande. D'ailleurs
beaucoup de plantes sont apparentées dans ces deux régions du monde.
Pendant quelques jours j'ai voyagé en compagnie de Hemmo, un grand
bourlingueur polyglotte originaire des Pays-Bas. Au-delà de Villa
O'Higgins il faut prendre un petit bateau qui traverse le Lac
O'Higgins, ensuite après quelques heures de marche sur un bon chemin on
arrive en Argentine. La frontière est marquée par un poteau sur le
chemin. Plus loin on prend un autre petit bateau pour traverser la
Laguna del Desierto, on fait tamponner son passeport au poste de police
et on rejoint une route. Avec un peu de chance il y a un bus qui peut
nous emmener à El Chaltén, une petite ville proche de la montagne du
même nom, aussi appelée le Fitz Roy. L'Argentine et le Chili ont
de multiples petits désaccords de frontière, et le Chili n'accepte pas
le tracé pourtant reconnu internationalement autour de cette montagne.
Je me suis approché du Fitz Roy en compagnie de Hemmo. Cette
montagne de granite est réputée très difficile pour les alpinistes.
Quelques kilomètres au sud-ouest il y a le Cerro Torre, extrêmement
difficile. Le Fitz Roy a été gravi pour la première fois en 1952
par des alpinistes français. Le scientifique de l'expédition était
Louis Lliboutry, qui fut à Grenoble mon professeur de glaciologie et le
président de mon jury de thèse en 1981.
Après El Chaltén j'ai pris un bus pour El Calafate et, comme tant de
touristes, je suis allé voir le glacier Perito Moreno qui avance sur le
Lago Argentino. En continuant vers le sud on passe de nouveau au Chili,
à Puerto Natales puis à Punta Arenas où je suis resté quelques jours.
Le bus prend un ferry pour aborder la Grande île de Terre de Feu et
ensuite on passe de nouveau en Argentine. Comme beaucoup de touristes
je suis allé jusqu'à Ushuaia. Pour la plupart c'est le point le plus au
sud du voyage. J'avais eu la chance d'aller par deux fois beaucoup plus
au sud, en Antarctique. Cependant il y a encore une petite
agglomération plus au sud que Ushuaia, sur l'île chilienne appelée Isla
Navarino. On peut se rendre sur cette île avec un petit bateau depuis
Ushuaia, on fait tamponner son passeport en débarquant, et un minibus
nous mène à Puerto Williams, petite ville de quelques deux mille
habitants et chef-lieu de la commune de Cabo de Hornos. Il y a même
quelques villages encore plus au sud sur cette île. J'ai fait une
grande promenade dans un paysage de tourbières et je suis revenu à ma
chambre avec les pieds bien trempés et bien froids.
En repartant vers le nord je me suis arrêté à Puerto Natales avec
l'intention d'aller visiter le Parc National de Torres del Paine. J'ai
même loué une petite tente pour bivouaquer. Hélas le temps est resté à
la pluie et au brouillard et je n'ai pas vu grand chose des tours de
granite qui font la célébrité du Parc. Refroidi par ces intempéries
j'ai repris le bus et le train pour aller rapidement vers des latitudes
plus clémentes. Je suis passé par Osorno, Chillán et Cobquecura pour
arriver en quelques jours à San Pedro de Atacama, où la pluie est rare.
À San Pedro j'ai loué un vélo pour une journée de promenade en
solitaire dans des paysages rocheux. J'ai aussi joint une excursion
pour aller voir les lacs et les salars d'altitude, vers
4140 mètres. On y observe des vigognes et des renards de Magellan.
Après San Pedro je suis allé à Calama, la ville du cuivre. J'ai même
visité la très grande mine de Chuquicamata, à ciel ouvert et profonde
de 900 mètres.
Depuis Calama j'ai pris le bus pour Uyuni en Bolivie. Si pour les
européens l'entrée était facile, avec seulement une petite somme pour
le visa, c'était beaucoup plus compliqué pour les états-uniens, une
mesure de réciprocité appliquée par la Bolivie. Le Salar d'Uyuni est un
incontournable pour les visiteurs. Près de la ville il y a aussi un
cimetière de trains qui incite à prendre quelques photos mélancoliques.
On y voit des vigognes qui se plaisent dans ce désert d'altitude.
Je me suis ensuite rendu à Potosí, à 4000 mètres, dont la vieille
ville est inscrite au Patrimoine Mondial de l'Unesco, comme d'autres
sites de Bolivie. Potosí fut une ville coloniale espagnole d'où
provenait l'argent issu des mines du Cerro Rico qui domine la ville. De
nos jours encore en Espagne on dit « Vale un Potosí »
pour signifier une grande richesse. Il y a toujours des mines en
exploitation, mais seulement de manière plutôt artisanale. J'ai gravi
assez facilement le Cerro Rico, mais j'ai été désappointé plus tard
quand j'ai appris que son sommet était seulement à 4782 mètres
d'altitude, soit 28 mètres de moins que le Mont‑Blanc. On dit que
la tisane de coca évite le mal des montagnes.
Je passe rapidement sur les belles villes de Sucre et Santa Cruz, qui
sont de beaux exemples de l'architecture coloniale espagnole. Après la
visite des villes touristiques je suis allé à Samaipata, en bordure du
Parc National Amboró. J'y ai visité El Fuerte, un site archéologique
dont l'origine et la fonction restent mystérieuses. Surtout j'ai
accompagné un petit groupe avec un guide pour visiter le Parc où les
plantes de la famille des broméliacées sont omniprésentes. On y voit de
nombreux oiseaux, du colibri au condor, des reptiles et des amphibiens,
de nombreux insectes… Mais du jaguar nous n'avons vu que les traces.
Je me suis ensuite rendu pour deux jours à La Paz, la capitale
principale du pays. C'est une grande ville et sa banlieue El Alto, à
4150 mètres d'altitude, est maintenant encore plus peuplée. Avec
un million d'habitants elle détient le titre de grande ville la plus
haute du monde.
En Bolivie, et aussi ailleurs en Amérique Latine, j'aimais bien suivre
les Chemins de Croix, dans les églises, les cimetières et les collines
de calvaire. Ces représentations des textes sacrés, souvent naïves,
sont comme les vitraux de nos églises destinées à raconter les
Évangiles à des populations qui maîtrisent mal la lecture. Elles
laissent assez de place à l'imagination des artistes, et les peintres
et sculpteurs de ces régions en sont bien pourvus. D'ailleurs les
cimetières aussi sont souvent intéressants à visiter. En Bolivie il y
avait des vieilles femmes qui proposaient de réciter des prières pour
nos défunts, en échange d'un peu de monnaie. Bien sûr je leur ai donné
quelques bolivianos.
À partir de La Paz je suis allé visiter le site archéologique pré-inca
de Tiwanaku, avant de rejoindre le Lac Titicaca. Il est inutile de
parler du Lac, sujet de tant de reportages. J'ai passé une nuit dans la
petite ville de Copacabana et une nuit sur la Isla del Sol, haut lieu
de la culture inca.
En quittant le côté bolivien du Lac Titicaca j'ai pris un bus local et
passé la frontière avec le Pérou pour me rendre jusqu'à la ville de
Puno, elle aussi au bord du Lac. À Puno j'ai trouvé le temps de me
faire couper les cheveux et de faire un bon repas avant de prendre un
bus longue distance de nuit. Il faisait froid dans le bus à
4000 mètres, heureusement ma voisine m'a proposé une de ses
couvertures. À Tacna j'ai de nouveau fait un bon repas péruvien et
visité le remarquable musée ferroviaire avant de prendre le petit
autorail qui rejoint Arica au Chili. Mon séjour au Pérou n'a pas duré
beaucoup plus de vingt-quatre heures. On me dit que j'aurais du visiter
Machu Picchu pendant que j'étais au Pérou. J'ai toujours beaucoup de
réticence pour visiter les lieux extrêmement touristiques, pour ne pas
participer à la surfréquentation et aussi parce que je ne suis pas
vraiment grégaire.
J'ai donc séjourné un jour ou deux à Arica, ville côtière du nord du
Chili où il ne pleut presque jamais. Le désert commence immédiatement
sur les pentes sableuses à l'arrière de la ville. Architecture
intéressante, comme à Tacna, avec des bâtiments construits par les
entreprises de Gustave Eiffel au 19ème siècle. La mer est froide, mais
on peut se baigner. Ensuite je suis resté un peu à Iquique, trois cents
kilomètres plus au sud par la route et tout aussi aride et élégante. On
y voit des otaries et beaucoup d'oiseaux de mer. Les eaux du Pacifique
y sont froides et très riches en raison du Courant de Humboldt.
Ces vacances devaient se terminer bientôt, alors j'ai pris un bus
longue distance pour rejoindre Valparaíso, un voyage de mille huit
cents kilomètres en un peu plus de vingt-quatre heures. Je vais peu
parler de Valparaíso, tellement la ville est connue, par les chansons
de marins comme par sa descente sportive à vélo. L'architecture
colorée, les funiculaires appelés « ascensores »
et le centre historique méritent la visite, sans même parler de la vie
culturelle de Valparaíso et de sa voisine Viña del Mar. Après un
dernier jour à Santiago je suis revenu chez nous. Il me restait encore
beaucoup de congés à solder en 2009.
Mon père avait fait son service militaire obligatoire en Algérie, en
1951-1952, quelques années avant la Guerre d'Indépendance. Pour un
jeune français de l'époque c'était sans doute une expérience marquante.
Il en avait gardé un souvenir plutôt bon et plusieurs fois il avait dit
qu'il voudrait revoir l'Algérie, tout particulièrement la région de
Tlemcen où il avait séjourné pendant seize mois. Alors en 2009 j'ai
fait appel à une agence de voyages afin de nous organiser un séjour
avec chauffeur, pour mes parents et moi.
Nous sommes restés une dizaine de jours en juin, et notre chauffeur
Boucif a toujours trouvé une excursion intéressante pour nous, entre
les petites villes, la mer et la montagne. Mon père a revu des sites
qu'il avait connus presque soixante ans plus tôt, comme Mansourah ou
Lalla Setti, ou encore les cascades de El Ourit. Surtout il a revu
l'ancienne caserne Bedeau dont il avait des photos. C'est maintenant
devenu un internat pour garçons et l'intendant nous a gentiment
accueillis pour nous faire visiter le site. Ce voyage est un bon
souvenir pour moi, avec surtout la satisfaction d'avoir emmené mes
parents.
Toujours en 2009 j'ai fait mon premier voyage en Afrique subsaharienne.
J'étais allé au Maroc avec Françoise il y a longtemps, puis nous étions
allés au Cap-Vert, et je venais de faire ce voyage en Algérie. Mais ces
pays ne sont que très peu liés culturellement et économiquement au
reste de l'Afrique, ils ont beaucoup plus de contacts avec les pays
d'Europe. Ce voyage de 2009 en Afrique Australe a donc été mon premier
contact avec la « Vraie Afrique ». Arrivé à Johannesburg je
suis allé directement au Botswana pour quelques jours, ensuite j'ai
visité les Chutes Victoria sur le Zambèze, franchi le pont entre le
Zimbabwe et la Zambie, puis rejoint la Namibie. En Namibie j'ai
accompagné pendant quelques jours deux hispanophones qui avaient loué
une voiture et nous avons visité le pays, en particulier le Parc
d'Etosha et la Côte des Squelettes. Un peu plus tard j'ai rejoint
l'Afrique du Sud et visité encore le Lesotho puis le Swaziland, qui ne
s'appelait pas encore Eswatini, où les femmes sont bien déçues (mais
sont-elles folles de la messe ? On chercherait en vain la Place
des Fêtes). J’avais emporté une petite tente, mais elle a été détruite
par un jeune chien et remplacée en Namibie. J'ai campé dans les sept
pays cités pendant ce séjour.
Par la suite il y a eu plusieurs voyages dans le sud de l'Afrique.
D'abord, deux fois, Françoise et moi avons loué une voiture et visité
le Botswana et la Namibie, puis avec Françoise et un couple d'amis nous
avons de nouveau visité deux fois ces mêmes pays qui se prêtent bien à
ce type de tourisme autonome. En général je prolongeais le séjour et le
parcours tout seul, après avoir rendu la voiture et accompagné les
autres à l'aéroport. Je voyageais donc en transport local, parfois en
autobus de longue distance, à l'occasion en auto-stop. Un jour j'ai
fait presque mille kilomètres dans la journée, entre Uppington en
Afrique du Sud et Windhoek en Namibie, principalement dans la cabine
d'un camion avec deux grosses remorques. Dans ces pays le chauffeur
s'attend à ce qu'on lui offre le prix du transport en bus, surtout
quand on est un Blanc supposé assez riche.
D'autres fois j'ai visité le sud et l'est de l'Afrique, seul, au départ
de Johannesburg. Outre les sept pays déjà cités j'ai traversé et un peu
visité le Mozambique, le Malawi, la Tanzanie, le Burundi, le Rwanda,
l'Ouganda et le Kenya. Je ne vais pas détailler ces voyages (même si
les populations du Cap mettent notre échec en valeur). Juste pour la
petite histoire, en Namibie et surtout en Afrique du Sud dans la région
du Cap j'ai vu de près une onzième espèce de manchot, le manchot
africain, là où le Courant de Benguela apporte des eaux froides.
En Afrique j'ai aussi fait trois voyages en Éthiopie. Ce pays a une
histoire particulière parmi les états africains, avec une écriture et
un calendrier qui lui sont propres, peut-être seulement partagés avec
son ancienne province devenue indépendante, l'Érythrée. Le pays a été
très peu colonisé, quelques années seulement par les Italiens du temps
de Mussolini. Il y avait quelques visiteurs italiens, en général un peu
honteux du passé colonial de leur pays. Certains venaient visiter la
région où un de leurs aïeux avait été envoyé, pour certains sans jamais
revenir. C'étaient des temps difficiles, comme pour l'Europe. On dit
aussi que quelques Italiens avaient choisi de rester en Éthiopie, pour
la beauté des femmes abyssiniennes.
C'est certainement lors de mon premier voyage, en 2014, que j'ai le
plus visité le pays, en allant jusqu'à Aksoum et Gondar dans le nord du
pays et jusqu'à la vallée de l'Omo au sud, en passant quelques jours
dans les Montagnes du Simien, autour de 4000 mètres. Dans la
région du Tigré j'avais aussi visité une des églises creusées dans la
roche, après l'escalade à pieds nus d'une falaise, et j'avais parcouru
le site de Lalibela en compagnie d'un voyageur venu de Turquie. Dans
ces églises il y a de nombreuses peintures murales, souvent anciennes,
qui illustrent les textes sacrés à la manière d'une bande dessinée.
Comme on s'adressait à des ouailles souvent illettrées, les gentils
sont toujours représentés de face, avec les deux yeux bien visibles,
alors que les méchants sont représentés de profil, avec un seul œil
visible. C'est bien pratique.
En 2017 et en 2019 j'avais aussi pris le train sur la vieille ligne
construite par les Français entre Addis-Abeba et Djibouti. La ligne ne
fonctionnait plus qu'entre Dire Dawa et la frontière avec Djibouti. En
faisant quelques recherches sur ce train j'ai été en contact avec un
Français qui a retracé l'histoire de la ligne. Il la connaissait bien
et disposait d'archives, puisque son grand-père avait construit la
ligne et son père l'avait exploitée. À Dire Dawa j'ai visité les
ateliers d'entretien des wagons et des locomotives. Le personnel très
dévoué fait des prouesses pour faire durer les équipements avec des
moyens limités. Héritage du Chemin de Fer Franco-Éthiopien, devenu en
1981 le Chemin de Fer Djibouto-Éthiopien, le personnel parle français.
Je ne sais pas si ce train va encore circuler.
En Éthiopie j'ai aussi plusieurs fois exploré Harar, la ville aux cent
mosquées où Arthur Rimbaud a vécu, et visité Gambela près de la
frontière avec le Soudan du Sud où beaucoup de personnes dépassent les
deux mètres. Je pourrais raconter beaucoup de petites histoires ou
anecdotes sur ces trois voyages en Éthiopie, mais je vais en rester là
pour ce pays.
Depuis l'Éthiopie je me suis rendu par deux fois au Somaliland. Ce pays
a très peu de reconnaissance officielle, bien que sa sécession de la
Somalie soit déjà ancienne. Géographiquement, le Somaliland correspond
à peu près au territoire de l'ancienne Somalie Britannique. Je suis
resté quelques jours dans la capitale, Hargeisa, et je suis allé dans
la ville côtière de Berbera, en face du Yémen. J'ai aussi passé deux
jours à Borama, un peu en altitude et proche de la frontière avec
l'Éthiopie. Pour se rendre au Somaliland il faut un visa, qu'on obtient
auprès de sa représentation diplomatique à Addis-Abeba pour quelques
dizaines d'Euros. Sur mes deux visas ainsi obtenus l'employé du
Somaliland a scrupuleusement écrit tous mes prénoms, mais pas mon nom
de famille.
Il y a encore un voyage que je voudrais évoquer ici, c'est celui que
j'ai fait en Amérique Centrale, huit semaines de visite au début de
l'année 2017. Juste après l'atterrissage à Ciudad de Panamá, j'ai
rencontré des voyageurs italiens avec lesquels j'ai sympathisé et que
j'ai revus plusieurs fois pendant ce séjour. J'ai donc visité le
Panamá, sa côte atlantique et sa côte pacifique, ainsi que la
cordillère centrale, et ensuite je suis allé au Costa Rica. Ce pays
fait certainement des efforts louables pour protéger ses zones
naturelles, et il a du succès comme destination de vacances,
essentiellement pour des groupes qui achètent une prestation globale.
Mais le touriste est quand même considéré comme un pigeon à plumer, et
le greenwashing est bien présent. Pour un voyageur indépendant comme
moi ce n'est pas le pays rêvé, il faut payer même pour se promener sur
les chemins. Mais c'est sans doute pour la bonne cause.
Je suis donc passé rapidement au Nicaragua, pays certainement moins
vertueux mais plus en adéquation avec ma façon de voyager. J'ai
escaladé des volcans, visité la côte des deux océans et profité du
charme des vieilles cités coloniales. Après huit semaines j'ai
rapidement retraversé le Costa Rica pour retourner au Panamá et rentrer
chez nous. Mes amis italiens sont restés en contact avec moi et en 2019
nous avons de nouveau voyagé quelques jours ensemble, en Afrique du Sud
et au Eswatini.
J'ai évoqué ici l'essentiel de mes voyages personnels, la plupart en
solitaire, d'autres en famille ou avec des amis. Souvent j'ai préparé
une page web pour mieux m'en souvenir. J'ai toujours eu beaucoup de
plaisir pendant ces voyages et j'en ai encore à me les remémorer. Bien
sûr d'autres personnes ont préféré ou préféreraient d'autres vacances
et d'autres visites qui correspondent davantage à leurs envies. Et tant
mieux si nous n'avons pas tous les même préférences.